SANTIAGO, Chili – Imaginez une autoroute sans barrières, sans files d’attente et sans impression de tickets. Au Chili, cette réalité existe depuis plus de deux décennies. Le pays a adopté un système de péage en flux libre qui supprime les traditionnels gares de péage au profit de technologies invisibles. Un modèle d’efficacité, mais aussi de débat.
Le flux libre a été une révolution silencieuse sur les routes
Depuis les années 1990, le Chili privatise ses autoroutes via des concessions, finançant ainsi des infrastructures modernes. C’est dans ce cadre qu’est né le TAG (Telepago Automático de Gastos), un boîtier RFID collé au pare-brise, permettant aux 2,3 millions d’usagers chiliens de franchir des portiques électroniques sans ralentir. Les caméras captent les plaques des véhicules non équipés, envoyant ensuite une facture par courrier.
« C’est un bond en avant pour la mobilité urbaine. Les temps de trajet ont chuté de 30 % sur l’Autopista Central, à Santiago », explique María Fernández, ingénieure au Ministère des Travaux Publics.
Les résultats sont tangibles :
Financement des infrastructures : Les 1,2 milliard de dollars annuels générés par les péages financent l’entretien et l’élargissement du réseau.
Réduction des embouteillages : Plus besoin de s’arrêter, même aux heures de pointe.
Baisse des émissions de CO₂ : Selon une étude de l’Université du Chili (2023), les émissions liées aux ralentissements ont diminué de 18 % depuis 2020.
Controverses : équité et Big Brother sur les routes
Mais le système ne fait pas l’unanimité. En 2019, des manifestations ont éclaté contre la hausse des tarifs, jugée « punitive pour les banlieues pauvres », selon le collectif Mouvement pour un Péage Juste. Un trajet quotidien sur l’Autopista Central coûte en moyenne 3 000 pesos chiliens (3,5 euros), soit 10 % du salaire minimum local.
Autre critique : les caméras LAPI (lecture automatique de plaques), perçues comme une intrusion dans la vie privée. « Ces données pourraient être détournées. Qui garantit leur sécurité ? », s’interroge Ana López, avocate spécialisée dans les droits numériques.
L’avenir : péage par satellite et voitures vertes
Le Chili ne compte pas s’arrêter là. Des essais de péage par GPS sont en cours pour remplacer les portiques, notamment dans les zones rurales. Autre projet phare : des tarifs préférentiels pour les véhicules électriques, afin d’accélérer la transition écologique.
« D’ici 2030, toutes les autoroutes chiliennes fonctionneront en flux libre. Nous visons une logique de mobilité intégrée, connectée aux transports en commun », ambitionne Pablo Ramirez, PDG de Autopista Central S.A.
Et ailleurs ? Un modèle pour l’Amérique latine
Le Chili inspire ses voisins. Le Brésil et la Colombie ont lancé des projets similaires, bien qu’à plus petite échelle. « C’est un exemple de comment la technologie peut résoudre des problèmes concrets, à condition d’écouter les citoyens », analyse Claudia Sarmiento, experte en transports à la Banque Mondiale.